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« Une fausse vérité peut-elle changer le monde? » Episode 1: Laurence Kaufmann & Pascal Wagner-Egger

Laurence Kaufmann & Pascal Wagner-Egger – Les complots entre biais cognitifs et rapports sociaux

Peut-on expliquer le succès des théories du complot sans faire référence aux biais cognitifs, ces égarements spontanés du cerveau qui croit voire des patterns et des intentions partout? Peut-on, d’autre part, comprendre les théories conspirationnistes sans les inscrire dans les structures de pouvoir qui régissent les rapports sociaux, dont les croyances complotistes apparaissent comme une expression à la fois simpliste et romancée? Ces deux approches explicatives peuvent-elles se croiser pour éclairer conjointement ces phénomènes? En suivant les hybridations croisées de la psychologie sociale et de la sociologie cognitive (ou du « naturalisme social »), on peut aujourd’hui, sans doute, réussir ce pari.

Laurence Kaufmann est professeure de sociologie à l’Université de Lausanne, Pascal Wagner-Egger est enseignant-chercheur en psychologie sociale à l’université de Fribourg. L’une et l’autre sont régulièrement interrogé-e-s par les médias sur le phénomène des théories du complot.

« Une fausse vérité peut-elle changer le monde ? » – Capsules vidéo du dhCenter UNIL-EPFL/Initiative Digital Society

Jamais, sans doute, n’aura-t-on autant parlé de désinformation, de fake news, de conspirations et de manipulations algorithmiques qu’au cours des cinq années allant de la première campagne présidentielle de Donald Trump à l’explosion de la pandémie Covid-19. 

Le potentiel disruptif attribué à ces phénomènes est virtuellement illimité. La désinformation à l’ère des plateformes numériques semble non seulement pouvoir déclencher des actes de violence, infléchir des résultats électoraux et compromettre les mesures sanitaires face à la pandémie, mais également ébranler la confiance publique à l’égard de différentes formes d’autorité, perturber les équilibres géostratégiques, balayer toute référence partagée à des vérités factuelles et, finalement, abolir la notion même de réalité.

Il n’est pas aisé d’évaluer s’il s’agit là d’un emballement de l’opinion face à des faits jusque-là moins médiatisés, d’un changement d’échelle amplifiant des phénomènes déjà existants, ou d’une réalité radicalement nouvelle, porteuse de véritables ruptures.

Face à cette impression d’une pandémie informationnelle dont les résonances dans l’environnement sociétal semblent inédites, quels éclairages apportent les études numériques en sciences humaines et sociales? Comment ces approches se conjuguent-elles à d’autres (celles du data journalisme, des sciences cognitives, de l’enquête socio-anthropologique de terrain, de la mise en perspective historique…) pour prendre la mesure de ces phénomènes, identifier leurs ressorts et proposer des manières de s’y confronter?

Prochain épisode : Mila Oiva – Le recyclage de textes dans la fabrique des mythes – En ligne vendredi 26 février 

L’extraction de connaissances dans un corpus de texte (text mining), développée notamment dans l’exploration d’archives de presse numérisées, permet de reconstituer la trajectoire d’un élément de discours au fil du temps, de sa première apparition à ses appropriations les plus récentes, en passant par les différentes occurrences de sa réutilisation (text reuse). Dans quelle mesure cette méthode de traçage passant par la détection de la réutilisation textuelle peut-elle contribuer à éclairer des phénomènes de désinformation?

Mila Oiva, historienne au CUDAN Open Lab de l’Université de Tallinn (Estonie), met ces outils computationnels au service d’un projet de recherche de l’université finlandaise de Turku portant sur les « anciens rois finnois » (2019-2021). Fabriquée par un discours pseudohistorique, l’épopée de ces héros imaginaires alimente des théories conspirationnistes sur l’occultation de la “vraie” histoire, nourrit la rhétorique nationaliste en Finlande et en Russie et brouille la frontière entre science et fiction en se propageant de la blogosphère alternative vers les sites de la presse mainstream. La méthodologie computationnelle utilisée pour détecter la réutilisation de texte reprend l’outil bioinformatique BLAST-NC.

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